Contrairement à une idée répandue, l'"économie solidaire" ne constitue pas une "niche" sociale au sein de l'économie libérale de marché. Certes, elle subit, comme toute la société, l'impact du libéralisme économique, mais son émergence correspond véritablement à un autre paradigme, c'est-à-dire à une autre philosophie. Nous aborderons dans ce séminaire les différences de nature qui existent entre l'économie solidaire et l'économie libérale de marché, en privilégiant la dimension éthique et axiologique. En effet, les valeurs qui président à ces processus disent bien ces différences qui sont aussi de lignes fractures que les citoyens doivent assumer. Entre une économie solidaire qui fait du lien social et du lien écologique des valeurs cardinales et une économie libérale uniquement polarisée par l'accumulation du capital à seule fin d'en accumuler encore plus, nous pouvons saisir les divergences entre ces visions du monde. A l'intérieur de l'économie solidaire, il existe de nombreuses sensibilités et courants de pensée, mais ils se retrouvent tous pour défendre une conception de l'économie comme outil et instrument au service des dynamismes sociaux et de la vie culturelle et de l'esprit. L'économie à sa place, mais celle-ci ne doit pas être la première. Dans cette différence de fond avec l'économie libérale, se dessinent d'autres mondes dans lesquels les valeurs marchandes n'exercent plus la fonction de primauté. Ce renversement des valeurs réhabilite la culture, non pas comme simple decorum de l'existence ou loisir, mais bien comme espace de sens, lieu de vie, dimension essentielle de la réalité. Cette conception rejoint celle de nombreux anthropologues et philosophes pour qui la culture est le propre de l'humain.

Mettre les outils, les techniques et les ressources de l'économie au service de ces trésors collectifs que sont les biens communs de l'humanité, refuser une mondialisation qui se manifeste comme processus de marchandisation du monde, éveiller, dans la liberté, la conscience individuelle à l'intérêt général, concilier les exigences de la justice sociale, au Sud et au Nord de la planète, avec celles de la justice écologique, du local au global, tels sont quelques uns des défis posés par l'économie solidaire.

Notre séminaire dressera les premières conclusions d'une Recherche-Action, conduite avec le soutien de l'Association La Nef, concernant la nécessité d'une éducation à l'économie solidaire et d'une prise de conscience que de formidables enjeux éthiques, philosophiques et culturels doivent être pris en charge. Nous évoquerons ces travaux universitaires qui, diversement, disent les horizons écologiques et humanistes de l'économie solidaire.

Henri Giroux, correspondant de la Nef, qui est l'un des principaux organismes financiers de l'économie solidaire, prendra la parole afin de présenter la démarche et les valeurs qui ont présidé à la naissance de la Nef et son évolution vers un projet de banque transnationale.